23.03 > 13.05 | Exposition Ecritures Numériques @ Musée L
Après Bruxelles, Mons, Liège, Maubeuge, Lille, Paris… les Transnumériques se déploient, pour la première fois, à Louvain-la-Neuve à la faveur d’un partenariat fort avec l’UCL Culture (en conjonction avec la thématique des Mondes numériques choisie par l’Université Catholique de Louvain pour l’année académique 2017-2018), le Musée L ouvert récemment et d’autres opérateurs dynamiques qui rejoignent notre volonté d’ouverture, de stimulation tant des imaginaires que des réalisations concrètes, avec un trait d’union entre création et réflexion.
Initié en 2005 par Transcultures, Centre des cultures numériques et sonores rayonnant en Wallonie-Bruxelles et à l’international, cette manifestation festivalière, fédératrice et itinérante, dédiée à la diversité des écritures (au sens large et dans une vision résolument transversale) et des émergences créatives numériques, évolue aussi à la faveur des mutations arts/technologies/société. Tout en rappelant, le cas échéant, les ferments transdisciplinaires historiques des art (post)numériques, il s’agit ici de privilégier des projets –aboutis ou en évolution- qui offrent, outre des stimulations perceptives, un regard poétique, décalé, engagé… plutôt que des produits formatés pour les industries techno culturels ou de l’hyperspectacle à l’innovation auto proclamée dont le numérique est trop souvent un instrument complaisant.
En effet, les pratiques – y compris artistiques- numériques n’échappent pas à la « startupisation de la culture » qui s’inscrit dans la « silocolonisation du monde ». A la propagande globalisée de l’innovation, répondent les propositions/réappropriations artistico-subversives du collectif DISNOVATION.ORG. A la standardisation des œuvres numériques « papier peint », s’opposent celles qui composent un insolite Cabinet de curiosités numériques, l’autre volet de l’exposition Ecritures numériques présentée au Musée L qui regroupent une vingtaine de pièces singulières d’artistes belges et internationaux.
Apparu à la Renaissance, le cabinet de curiosités intègre, de manière insolite et hétéroclite, une appréhension scientifique du monde à une certaine conception de l’histoire naturelle. Placée sous le commissariat artistique de Jacques Urbanska, en complicité avec Philippe Franck (Transcultures), cette exposition propose une sélection d’une trentaine d’œuvres d’artistes belges et internationaux (dont plusieurs issues de collections privées telles que celles d’Alain Servais ou de Hampus Lindwall) qui échappent aux catégories traditionnelles et via des pratiques et esthétiques diverses, matérialisent des sensibilités et démarches poétiques, distanciées, conceptuelles…
Dans les espaces du Musée L, dialoguent des œuvres de Fayçal Baghriche (Dz/Fr), Émilie Brout & Maxime Marion (Fr), Alexis Choplain (Be), Heather Dewey-Hagborg (USA), Frederik De Wilde (Be), Domenico Dom Barra (It), Verena Friedrich (De), Haydi- roket (Tr), Taylor Holland (USA/Fr), Li Jinghu (Chn), JODI (Be/Nl), Klink (USA), LAb[au] (Be), Eva & Franco Mattes (It/USA), Raquel Meyers (Es), Esra Özkavci (Tr), Elena Romen- kova (Ru), Evan Roth (USA/Fr), Sholim (Srb), Filip Sterckx (Be), Tachyons+ (USA), Alex Verhaest (Be), Mathieu Zurstrassen (Be)…
-Philippe Franck/Transcultures pour Transnumériques #6
Cet effet de boucle temporel est fascinant parce qu’il démontre aussi que la simulation numérique est capable d’enfanter d’une nouvelle forme d’incarnation, tels que l’expose le « Cabinet de curiosités numériques ». Les procédés numériques n’ont rien à voir avec les techniques traditionnelles de représentation, le dessin, la peinture, la sculpture. Le digital désigne au contraire des algorithmes et des interfaces parfaitement indifférents aux contenus traités comme une suite de données. Mais il est possible grâce aux logiciels de faire œuvre de création comme un peintre et un sculpteur. Le temps des images électroniques est celui de la concomitance spatiale et temporelle de différents éléments présents à l’image. Il ne s’agit pas seulement d’instantanéité photographique, de durée cinématographique et vidéographique mais de différents types de fragmentation du temps synthétisés dans la compression numérique. « Avec cette émancipation », pour reprendre les mots de Pierre Barboza, « le numérique ouvre moins une nouvelle période dans l’histoire des images qu’elle n’y réintroduit la liberté de l’imaginaire et le régime de la représentation », renouant, avec la tradition multimillénaire des images.
– Régis Cotentin pour Transnumériques #6
Le concept de « disnovation » implique un regard critique sur la « propagande de l’innovation » actuelle. En effet, aujourd’hui, le lexique de l’innovation est l’instrument rhétorique par excellence.
Il inonde le discours dominant qui se déploie du champ politique jusqu’aux domaines de l’éducation, du travail ou de l’art. Dans ce contexte techno-positiviste ambiant, le collectif DISNOVATION.ORG a présenté dans divers lieux et événements en France et à l’international, une autopsie de l’idéologie issue de l’innovation technologique à travers une série d’œuvres d’artistes internationaux et de détournements critiques.
Cette proposition de l’artiste numérique Nicolas Maigret* (que l’on peut également envisager comme un cabinet de curiosités engagé) est un des deux volets de la manifestation Ecritures numériques présentée au et avec le Musée L, à Louvain-la-Neuve, dans le cadre des Transnumériques#6, en partenariat étroit avec l’UCL Culture et Transcultures.
Rejoignant à la fois les thématiques d’écritures numériques et des mondes numériques, Disnovation.org prend position avec les armes artistiques sur la « société de la transparence » (comme l’a analysé, dans l ‘essai éponyme, le philosophe coréen Byung-Chul Han) et pose aussi la question du « contrôle total » auquel participent activement les technologies et industries numériques.
*Une résidence de Nicolas Maigret à l’UCL Culture proposé et encadré par Transcultures (coordinateur et assistant du projet : Jacques Urbanska) a démarré en mars 2018. Des étudiants issus de différentes facultés de l’UCL y participent activement, avec également la collaboration de plusieurs enseignants partenaires du processus qui débouchera sur des projets arts numériques en fin d’année académique.
Transcultures
Le lexique de l’innovation est aujourd’hui l’instrument rhétorique par excellence. Il inonde le discours dominant qui se déploie du champ politique jusqu’aux domaines de l’éducation, du travail ou de l’art. Dans ce contexte techno-positiviste ambiant, le collectif DISNOVATION.ORG présente une autopsie de l’idéologie issue de l’in- novation technologique à travers une série d’œuvres et de détournements critiques.
Cette exposition propose un ensemble de récits alternatifs aux « propagandes de l’innovation ». Elle réunit notamment Pre- dictive Art Bot, un algorithme de prédiction et de subversion des tendances artistiques émergentes, Blacklists, un annuaire papier contenant des millions d’adresses Internet restreintes à travers le monde, ou encore Shanzhai Archeology, une collection d’objets technologiques hybrides et non normés qui invite à reconsidérer la standardisation des imaginaires technologiques occidentaux.
Nicolas Maigret & Maria Roszkowska
DISNOVATION.ORG, Clément Renaud & Yuan Qu Shanzhai Archeology (2016>2018)
L’innovation en matière de téléphonie mobile ne réside sans doute pas tant dans les derniers modèles d’iPhone que dans des productions de micro-compagnies chinoises à Shenzhen (où les iPhones sont également produits). Cette collection de téléphones chinois prend des formes aussi improbables que des fraises ou des voitures tout en intégrant des caractéristiques technologiques hors normes. Le téléphone Power Bank, par exemple, peut gérer trois cartes SIM en parallèle et dispose d’une batterie permettant de recharger toutes sortes d’appareils. D’autres ont un briquet intégré ou encore un rasoir électrique. Ce marché ne s’adresse pas tant consommateurs occidentaux qu’aux populations d’Afrique, d’Inde ou de Chine.
Tel un stand de vente typique, Shanzhai Archaeology présente une sélection de produits de ces mini-entreprises qui fusionnent copie / piratage / remix et compétences autodidactes pour développer de nouveaux produits en quelques semaines. Toutefois la culture du Shanzhai est menacée – pas tant par des conditions de travail misérables que par les efforts du gouvernement chinois afin de nettoyer une réputation de faussaire. Bien que souvent dénigrés pour leur mauvaise qualité, ces appareils extraordinaires posent un sérieux défi à l’hyperstandardisation technologique occidentale.
DISNOVATION.ORG Blacklists (2015>2018)
Le projet Blacklists est un répertoire des interdits du web déployé sous la forme d’une encyclopédie en 13 tomes de 666 pages chacun. Il s’agit d’une vaste collection d’adresses web restreintes permettant la détection et le filtrage automatique de trafic jugé illicite ou licencieux. Tout comme la pratique des « bibliothèques interdites », Blacklists pointe la mise à l’écart de contenus qui pourraient être dangereux pour la survie du système. Avec plus de 2 millions de sites web extraits de logiciels de filtrage internet commerciaux, cette collection révèle un modèle culturel, social et idéologique de notre société à travers ce qui ne devrait pas être vu.
DISNOVATION.ORG, Jérôme Saint-Clair Predicitve Art Bot (2015>2018)
Predictive Art Bot est un algorithme utilisant le jargon médiatique actuel afin de prophétiser de futures trajectoires artistiques. Les algorithmes sont aujourd’hui largement utilisés dans différents domaines, pour faire des prévisions en utilisant l’analyse de données, l’analyse statistique, ou la reconnaissance de motifs pour des applications allant de l’étude des comportements d’achat à la prévision policière. Dans un autre registre, Predictive Art Bot est spécialisé dans la prédiction de concepts artistiques, publiés quotidiennement sur Twitter. Il a pour objectif l’extension de l’imaginaire humain en y apportant de nouvelles perspectives non-humaines. Telle une parodie des prophéties transhumanistes, Predictive Art Bot libère les artistes des contraintes de la créativité en leur fournissant un flux permanent d’idées encore inoccupées par l’homme. — Inke Arns
Groupe de travail basé à Paris, initié par Nicolas Maigret (Fr) et Maria Roszkowska (Pl/Fr), DISNOVATION.ORG (Fr/Pl/Int.) se pose au croisement entre art contemporain, recherche et hacking. Les membres développent des situations d’interférence, de débat, et de spéculation visant à détourner l’idéologie de l’innovation afin de stimuler l’émergence de récits alternatifs. Ils ont récemment édité The Pirate Book, une anthologie sur le piratage de contenus culturels.
Maria Roszkowska (Pl/Fr) Graphiste polonaise installée à Paris, elle a été chercheuse associée à l’EnsadLab Paris. Entre 2010 et 2014, elle rejoint Intégral Ruedi Baur, un studio français de design graphique culturel. En 2013, elle a conçu et coordonné Do not Brand My Public Space! pour Lars Müller Publishers, une recherche de 3 ans sur la question des villes appliquant des stratégies de branding. Elle est l’auteure, avec Nicolas Maigret, de The Pirate Book.
Nicolas Maigret (Fr) s’intéresse aux dispositifs numériques : l’intelligence artificielle, les algorithmes, les objets connectés, etc. Il tente de rendre tangibles des réalités qui restent cachées dans les interstices des technologies. Depuis une quinzaine d’années, il expose dans ses oeuvres solo ou collaboratives, le fonctionnement interne des médias, à travers une exploration de leurs dysfonctionnements, limites ou seuils d’échecs qu’il développe en œuvres immersives, ambiguës et critiques.