Les émergences numériques s’exposent à Mons2015 par Julie Plak

Les émergences numériques s’exposent à Mons2015 par Julie Plak

Le festival Transnumériques a proposé une exposition d’œuvres hybrides Manège de Sury qui débuta entre le 27 novembre jusqu’au 12 décembre en 2015 à Mons, produite par Transcultures avec le soutien d la Fondation Mons 2015, de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Délégation du Québec à Bruxelles. Elle fut accompagnée par des performances et des conférences dans toute la ville qui nous ont interrogé sur le numérique dans la culture, l’art ou encore sur les industries dites « créatives ». J’y raconterais ici ma visite du 8 décembre, avec les œuvres qui m’ont marqué tel que Le Kaléidoscope (Eglé Vismantaite), Le miroir de la mémoire (Vincent Paesmans et Alexander Ketele/collectif d23D) et tout en concluant par une critique personnelle de l’événement.

Le festival a été initié depuis 2005 par Transcultures, l’idée de ce projet était d’inventer une plate-forme dont le but est la création de nouvelles œuvres, tout en voulant des réflexions variées sur des divers enjeux dans les développements du numérique, plus précisément de la culture de ceux-ci, mais aussi de promouvoir et initier des artistes à utiliser les outils numériques comme moyens d’expression. Cette volonté était toujours en action pour cette cinquième édition. Par ailleurs, le but est de sensibiliser un plus large groupe de spectateurs que simplement des spécialistes. Transcultures, a par exemple proposé des ateliers comme Digital Kids ou encore des rencontres avec des artistes mais aussi chercheurs (tels récemment, fin octobre, Vice Versa 2.0 proposé avec l’institut de recherche Numédiart à l’Arthothèque de Mons, dans le cadre du Festival des Arts Numériques de la Fédération Wallonie-Bruxelles) pour encourager un véritable échange et rendre plus facilement accessible le milieu des arts numériques.

Mais revenons, à cette exposition, au Manège de Sury, ancien hangar de la protection civile fraîchement rénové, qui se trouve au n°1, Rue des Droits de L’Homme en face de la Cour de justice, nous explorons avec Philippe Franck, directeur artistique, ce lieu devenu une sorte passerelle entre les univers fictifs de leurs auteurs à la fois différents et pourtant dirigés sur le même thème : les émergences numériques. Les œuvres exposées sont le résultat issu de partenariats entre plusieurs groupes d’artistes belges ou étrangers et avec des écoles d’art comme celle de Arts² à Mons et la Villa Arson à Nice.

Si Philippe Franck insiste ici sur le mot émergence, cela n’est pas anodin ; il exprime l’utilisation des arts et des outils numériques comme un moyen de sortie d’un système, d’une réflexion pour créer une forme différente, hybride qui use de la relation du numérique avec notre personne afin de perturber, de faire réfléchir pour aller au-delà de notre propre perception, les œuvres sollicitent ici un engagement physique de son spectateur, rendant l’expérience plus immersive.

Créé par l’artiste lituanienne Eglé Vismantaite grâce au projet né du workshop bilatéral faisant collaborer La Villa Arson à Nice et Arts² – Mons pour cette exposition, ce kaléidoscope numérique se trouvait dans une salle entièrement blanche accompagné par d’autres installations artistiques qui, hélas pour celles utilisant des projecteurs, avaient moins d’impact par leur opacité causé par le trop de lumière du jour illuminant le lieu. Sa teinte noire, l’isolant de cet univers blanc, renforçait notre curiosité sur cet objet étrange. En étant proche de celui-ci, nous percevions de la lumière sortir du haut de l’œuvre. L’intérieur de la sculpture nous laisse face à un spectacle contemplatif de jeu d’ombres et de lumières mis en abîme.

Sa forme insolite s’inspirant à la fois d’un outil scientifique et un kaléidoscope a été voulue pour mettre en opposition des jeux scientifiques et des jeux enfantins. Le but est de provoquer la curiosité ou de parler de curiosité avec sa forme. Va-t-il regarder à l’intérieur ou pas ? Seul le spectateur a le libre arbitre de découvrir ou non le kaléidoscope, même si l’artiste avoue vouloir attiser l’intérêt pour tous les curieux venus à la rencontrer de celui-ci.

Par ailleurs, le mode d’observation n’est pas comme les mappings qui sont immersifs et occupent de grand espace. Non, il est plus intimiste laissant l’inconnu qui la voit vivre une expérience solitaire et personnelle. Il est intéressant aussi d’ajouter que la position de l’œuvre dans cette exposition n’avait pas été choisie au hasard par les organisateurs. Face aux autres installations grandes et imposantes, elle se renforce et démarque encore plus le propos penser par Eglé Vismantaite que d’offrir une autre vision de l’utilisation de la plus le propos penser par Eglé Vismantaite que d’offrir une autre vision de l’utilisation de la lumière dans les installations artistiques (lire l’interview).

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kaléidoscope

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L’installation Miroir de la mémoire réalisée, dans ce premier stade de travail pour Transnumériques, par Vincent Paesmans et Alexander Ketele est constituée d’une surface d’eau reflétant des images, des événements cognitifs projetés et manipulés à l’aide de caméras et projecteurs, créant un dialogue des actions du passé et des actions du présent des spectateurs donnant place à une sorte de jeu entre eux ; en effet, la structure réagit quand elle reconnaît une présence à l’aide de ses capteurs perturbant la surface de l’eau. Les reflets sont, par la suite, projetés sur un écran conique donnant un aspect volatil, comme quand on se remémore un souvenir.

Les deux hommes avaient comme relation celle de professeur-élève. Lors de ses études chez Alexander Ketele, Vincent Paemans explora dans son travail la fusion entre matière et technologie, Alexander Ketele l’aida dans cette recherche, au fil de ces années, l’envie de faire un travail en commun se renforça mettant naissance à ce premier projet ensemble, Alexander pour l’utilisation de l’eau et du reflet tandis qu’avec Vincent, c’est l’utilisation du numérique avec l’intégration du spectateur comme élément  »poétique » de l’œuvre.

Ce projet qui allie sculpture et interactivité numériques en temps réel veut évoquer la mémoire. Cette installation exposée n’était qu’une bêta qui évoluera encore, une première étape avant l’œuvre définitive. C’est l’un des projets qui nous a le plus conquis. L’implication fut immédiate, tentant en premier lieu de faire des mouvements rapides et vifs avec notre corps ou, à l’inverse, lents et lourds afin de voir les répercussions de nos actes sur la structure. Les réactions se firent sans appel, montrant, par le biais de ces projections, nos actions passés légèrement déformées par l’eau et les objets numériques, elle nous fait penser à un simulacre de la mémoire comme lors d’une remémoration d’un événement passé. L’image que nous retrouvons est la première fois vive avec encore des détails, mais plus nous ressassons cette image plus nous perdons des éléments gardant l’essentiel.

Ce Miroir de la mémoire est, pour nous, un simulacre de la mémoire mit sous une forme à la fois physique et immatérielle, une manière poétique de montrer la création d’une plate-forme mémorielle.

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Miroir de la mémoire

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Miroir de la mémoire

D’autres oeuvres d’artistes confirmés venaient également encadrer et rythmé ces émergences : les projets GifWall (avec un gif géant de haydiroket) et <iframes> de Jacques Urbanska qui projette des formats GIFs du web remixé en temps réel et projetés sur écran géant ; Bloom ! de François Zajéga, installation interactive usant de la xbox dont les mouvements des visiteurs servent de « nourriture » à de diverses plantes ; le ludique phAUTOmaton de Philippe Boisnard ; l’installation belgo-québécoise Ligthhouses – in conversation d’Alice Jarry et Vincent Evrard ; ou encore la sélection de ces Vidéocollectifs urbains initié par l’artiste relationnel Natan Karczmar, fruits d’échanges, cette année, entre Mons, Pilsen et Clermont-Ferrand et nous en passons.

La conclusion est que l’exposition Emergences numériques de ces Transnumériques 2015, était variée, intéressante et divertissante sur un tas de thèmes ou domaines proposant des créations toutes réalisées grâce à l’application des outils technologiques mis à la disposition des artistes pour le festival, apportant des nouvelles émergences d’idées, valorisant les collaborations internationales et pour ouvrir aussi les portes à des créations plus ambitieuses. Le numérique permet, de manière illimitée, de concevoir de nouvelles façons d’aborder des sujets de notre époque. Innovant nos lendemains, ces émergences numériques s’exposent à nous et leur histoire ne fait que se renforcer.

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Linar - Emergences Numériques

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