Cet article fait partie d’une série de textes réalisés par des étudiants de l’ESA Saint-Luc, dans le cadre des cours donnés par Philippe Franck, directeur des Transnumériques.
Le festival Transnumériques est une manifestation initiée en 2005 par Transcultures, Centre des cultures numériques et sonores, qui s’est tenu, dans plusieurs lieux, à Mons qui était cette année capitale européenne de la culture, du 27 novembre au 12 décembre 2015. Ce festival axé sur les émergences a permis à de nombreux artistes numériques de créer et d’exposer leurs œuvres dans un bel écrin urbain.
Lors de ce festival, nous avons pu cerner différents types d’artiste. Certains avaient pour but de dénoncer. Dimitri Baheux, actuellement étudiant à l’école Arts2 de Mons, dont le travail repose sur « les maux de la société » a composé Remaniement. L’œuvre était composée de quatre écrans, situés chacun au milieu d’un côté d’une pièce carré. Chacun des écrans montrait un événement avec le son qui lui est lié ( un œuf qui se casse, un tissu déchiré, un gobelet en plastique écrasé .. ). Une fois au milieu de la pièce, nous ne savions plus ou donner de la tête. D’une part, l’artiste a ici tenté de nous montrer comment les informations que nous percevons peuvent être déformées (un œuf qui se casse n’est pas une information difficile à traiter, mais si l’on y ajoute un verre qui se casse, la combinaison des deux informations nous amène à une conclusion différente.) mais également comment un flux d’information trop important (dans les journaux, à la télévision, sur internet, à la radio .. ) peut altérer notre perception de chacune des information.
D’autres, en revanche, ont pour but de provoquer l’introspection du spectateur. C’est le cas du Miroir de la mémoire par Alexander Ketele et Vincent Paesmans, par exemple. Cette installation est composée d’une surface d’eau et d’une sorte de parabole. L’eau reflétant sur la parabole la lumière du spectateur, l’image a un aspect flou, à l’image de la mémoire humaine. Certes, certains souvenirs sont relativement intenses, mais un souvenir n’est jamais qu’une succession d’image, parfois une odeur, ou un son .. quelque chose de très bref, en somme.
Une question se pose donc : quel est le but de ces nouveaux artistes ? Pourquoi utiliser le numérique pour faire passer une idée, et non les moyens traditionnels tels que la photographie, la peinture, ou la sculpture ? Pour tenter de répondre à cette question, nous l’aborderons sous différents angles : quels sont les caractéristiques intrinsèques aux Arts Nnumériques qui les différencient des autres médias ? Qui sont les artistes ? Quels sont les idées principales qui sont exprimées au travers d’installations et, plus généralement, d’œuvres numériques ?
Les principales caractéristiques des arts numériques, comparer à d’autres formes traditionnelles d’expression artistique, sont qu’ils sont « vivants ». J’entends par là qu’une installation numérique inclue le spectateur, elle l’invite à participer. Elle réagit au comportement du spectateur. De plus, une œuvre numérique peut prendre des formes bien diverses, et c’est sans doute là sa plus grande force : ça peut être un ou des sons, avec ou sans image, une projection, des jeux d’optiques, du concret ou de l’abstrait, et même du végétal ( Bloom! de François Zajéga, par exemple). Les arts numériques permettent deux types d’œuvre que l’on pourrait qualifier de temporelle et intemporelle. Temporelle, car certaines œuvres se modifient au fil du temps ( Bloom!, par exemple ). Ainsi, A quiet world de Julie Kern Donck (sortant de l’Ecole La Cambre de Bruxelles) consistait en capteurs installés dans des plantes, de caméras, et d’une projection. Le spectateur bougeait (ou non ), et il influait directement sur la projection.
Mais on pourrait parler aussi d’une certaine intemporalité, car à partir du moment ou une œuvre est 100% numérique, elle est reproductible dans le temps.
Grâce aux arts numériques et à ce type de festival/plate-forme, qui n’avaient pas les opportunités nécessaires pour exprimer leurs idées peuvent désormais le faire. Nous pensons notamment aux ingénieurs, aux informaticiens, aux programmeurs qui travaillent de plus en plus avec les artistes. Ces personnes ici associées peuvent conjuguer leurs idées et compétences sous forme de créations numériques. Nombre d’elles étaient présentés au festival Transnumériques à Mons, citons, outre le partenariat pour la performance mapping City Lights avec l’institut de recherche numédiart (Université de Mons), Mauricio Dwek, ingénieur de matériaux par exemple aussi artiste pionnier du numérique qui est intervenu au Café Europa (autre lieu partenaire de ces Transnumériques) depuis Sao Paulo dans le cycle de vidéoconférences ArtComTec.
Enfin, les Arts Numériques sont propices à l’expression d’idées concernant la société moderne. En effet, à partir du moment où l’on sait que le moyen d’exposition d’une œuvre influe de manière appuyée sur sa signification, l’utilisation du numérique ou non ajoute aussi une dimension mobile à l’œuvre. <iframes> de Jacques Urbanska n’aurait pas eu la même signification si l’artiste n’avait pas choisit de travailler sur les spécificités de ce type de dispositif numérique. L’œuvre consistait en une série de plus de 2 000 gif projetée associés de manière différente à chaque fois sur un écran géant dans un grand espace du Manège de Sury : l’image n’était donc pas figée mais perpétuellement en mouvement créatif.
Louis Thiriaux
