Une visite guidée dans le festival Transnumériques par Eyon Aho

Une visite guidée dans le festival Transnumériques par Eyon Aho

Initié par Transcultures, Transnumériques est un festival qui se déroule cette année dans le cadre Mons 2015, Capitale européenne de la culture et qui propose plusieurs activités sur le thème des arts et cultures numériques. Cette année, les étudiants de la de la section Arts Numériques de l’école Saint-Luc Bruxelles, ont eu le privilège de recevoir une visite guidée des locaux où se tenait l’exposition Émergences Numériques.

Du 27 novembre au 12 décembre 2015, les visiteurs ont pu profiter d’expositions, de conférences et d’installations numériques. Pour sa cinquième édition, et dans le cadre de Mons, Capitale Européenne de la Culture, les installations mettaient en avant les talents émergeants de la scène de l’art digital.

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Philippe Franck - visite guidée

C’est avec un regard tout particulier que nous avons pu profiter de cette visite, car étudiants nous aussi les arts numériques ces installations ne sont pas si loin de nous. En effet notre domaine d’étude, le jeu vidéo, partage de nombreuses similitudes avec ce que l’on pouvait voir durant l’exposition, et cela va bien au-delà du fait que l’on utilise des écrans. Ils partagent l’interactivité, ou le choix de placer le joueur/spectateur au centre du projet et l’utilisation des mêmes langages informatiques. Un même langage, mais une autre utilisation.

Ma classe et moi avons donc pris le train de bonne heure depuis Bruxelles jusqu’à Mons pour nous rendre au Manège de Sury, grand et beau lieu récemment rénové occupé temporairement par l’exposition Emergences Numériques.

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public visitant l'expo

C’est donc avec beaucoup d’intérêt que mes camarades et moi, nous sommes enfoncés, après avoir parcouru les vastes espaces du rez-de-chaussée également métamorphosé par les Transnumériques Awards (spécial GIF) et d’autres installations remarquables dans les pièces obscures de deux longs couloirs parsemés de portes, avec derrière chacune d’elles, un monde, une vision, un projet qui s’offrait à notre curiosité.

Derrière la première porte, on pouvait trouver, parmi les lauréats du festival français Vidéoformes 2015, partenaire de ces Transnumériques, le travail de Francesca Fini : White sugar. Cette artiste italienne aime travailler l’audio et la vidéo même si elle apprécie également les performances live. Dans le local, projeté sur le mur, on pouvait donc voir son œuvre vidéo en 3D anaglyphe White sugar crée en 2013.

Il s’agit d’un court-métrage de treize minutes utilisant la technique de 3D qui nécessite des lunettes aux verres de couleur différent pour générer le relief. Les lunettes n’étant pas fournis, les images que l’on voit ont cet effet très spécifique et coloré que cette technique produit. La vidéo, quant à elle, regroupe des morceaux de films muets d’époque en noir et blanc mais avec du bruit, des taches et des lignes de couleur. Une image tantôt découpée tantôt gribouillée ou raturée mais, manipulée en tout cas. L’expérience anachronique est perturbante car elle mélange la technologie de la 3D anaglyphe au cinéma noir et blanc. Cela donne un effet particulier et envoutant, créant une dimension proche du dieselpunk ou futur et passé se confondent.

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Videoformes

Un peu plus loin, une pièce sombre dans laquelle se tient un homme à lunettes étrangement luminescent. En me rapprochant je comprends qu’il s’agit d’un enregistrement, l’image de l’homme est projetée sur un pilier triangulaire, il tient si bien dedans qu’on pourrait croire qu’il est réel. En faisant le tour de la salle je me rends compte qu’il n’est pas le seul. Ce sont dix-huit personnes qui sont projetées à tour de rôle sur les différentes faces des quatre piliers qui supportent la pièce. En regardant autour de moi, je distingue trois projecteurs et quatre enceintes aux quatre coins de la pièce. Les personnages récitent des poèmes, font de la musique ou discutent simplement. Chacun a son propre rythme. Bientôt l’homme à lunette disparais et laisse place à un autre personnage qui lui nous joue de la musique. L’installation s’appelle Chœur(s) de Simon Dumas. À la fois directeur artistique de Productions Rhizome à Québec, écrivain et artiste multimédia, il nous livre ici une installation dédié aux liens entre création sonore et poésie vivante.

Cette œuvre également très visuelle, confère une grande importance au son en cela que chaque individu qui nous ai montré à quelque chose à nous faire écouter. L’image sert ici de support à ce qui tient pour moi de sujet principal : le corps et la poésie ; car on ne se contente pas d’écouter, l’on regarde aussi ces artistes qui performent devant nous.

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Choeur(s)

Atmosphère à la fois mystique et inquiétante

Continuant ma visite, je tombe sur un étrange dispositif dans une autre pièce du premier couloir du Manège de Sury : il s’agit du Brumascope de Arthur Baude, lauréat du concours installation interactive que Transcultures a mené, pour l’occasion, avec Vidéographies. Cette machine aux multiples tubes produit de la fumée sur laquelle sont projetées des images. J’en ai fait le tour, l’ai inspectée sous tous les angles, et c’est de face que la magie se produit. On se retrouve dans une atmosphère à la fois mystique et inquiétante.

L’artiste nous propose de changer de médium. Ici, on nous projette une image, oui, mais pas sur une surface plane, et cette démarche change notre rapport au support. On peut passer sa main à travers cet écran de fumée, souffler dessus pour produire une autre image ou simplement laisser cet écran mouvant bouger selon son propre désir. Le fait que les tubes soient apparents amène à se poser des questions sur l’objet et pas seulement sur ce que l’objet produit. On regarde les câbles, le liquide dans les flacons et on se surprend à se demander comment ça fonctionne. L’objet dans sa constitution est aussi intéressant que ce qu’il produit.

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Brumascope

L'œil qui me suit

Parmi les expériences qui me sont restés en mémoire, on retrouve également cet œil géant du projet commun à des étudiants d’Arts2 et de la Villa Arson, Occulte (de Antoine Outtier, Elisabeth Creusen, Florent Eeckeman, Helga Dajeagher et Maxime Lanneau). J’ouvre une porte et me retrouve une nouvelle fois dans une salle sombre, cette fois-ci avec un globe oculaire au fond de la pièce qui semble flotter au-dessus du sol. Je m’approche, l’illusion est parfaite, je n’arrive pas à comprendre comment ça marche. On dirait vraiment qu’un globe oculaire sort du mur. Je me déplace sur le coté afin de mieux comprendre comment ça fonctionne quand soudain, je m’arrête ! La pupille a bougé.

Troublé et doutant de ce que je viens de voir je reviens sur mes pas : l’œil me suit toujours. Je cours, je saute et l’œil continu à me suivre. J’en suis sûr maintenant ; il me regarde.

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Occulte

Pour sa cinquième édition, le festival Transnumériques nous montre une nouvelle fois que les possibilités du numérique sont vastes. Les œuvres nous surprennent par leur utilisation d’éléments du quotidien, comme les écrans, l’eau ou encore des morceaux de verre, mais détournés afin de mieux faire passer un message.

L’interactivité jouant souvent un grand rôle, le spectateur quitte son état purement passif pour devenir acteur et ainsi se créer sa propre expérience. Pour ma part, ce que je retiendrai de la visite, c’est l’idée : « think outside the box » ou qu’il faut savoir « penser au-delà des conventions ». Chaque objet peut être détourné, chaque médium réinterprété. Cette exposition m’aura donné l’envie de m’essayer aux installations, afin de faire ressentir au public la même magie que j’ai ressentie durant la visite.

Si vous en avez l’occasion, n’hésitez pas à faire un tour aux Transnumériques#6 qui auront lieu, nous l’espérons, bientôt ; le festival étant de surcroît entièrement gratuit !

Eyon Aho