Peindre un concert est une performance présentée par Junkai Chen (Cn – Villa Arson) avec Corentin Clouet (Fr – Art2) + Victor Huguenin (Fr – Art2) dans les Transnumériques ce 28 novembre, lors de l’évènement Transdémo (Petites formes performances hybrides et numériques).
Cette performance, où les trois artistes sont aux commandes d’une performance à trois mains alliant orchestration, image et son, est le résultat de l’échange Émergences Numériques, initié par Transcultures, entre la Villa Arson à Nice et l’Art2 à Mons.
Interview de Junkai Chen
Peindre un concert est une performance qui résulte d’un échange entre vos deux écoles (à savoir la Villa Arson en ce qui vous concerne à Nice et Art2 à Mons), comment s’est déroulée la collaboration entre vous dans le cadre des Émergences numériques, initié par Transcultures ?
Junkai Chen : La collaboration établit un plan de travail en 3 parties (gestuelle, sonore, visuelle). Ainsi, nos trois créations se déroulent en parallèle. Chacun apporte une recherche dans son propre domaine. Nous avions déjà travaillé en amont avec Victor Huguenin qui est diplômé du conservatoire de Nice, et avec qui nous avions collaboré à la base.
Nous avons pu monter ce projet ensemble, en plusieurs temps : d’abord Corentin avec son école est venu à Nice, nous nous sommes immédiatement entendus sur ce que nous cherchions à dégager artistiquement. Puis nous nous sommes revus à Mons, lorsque ce fut au tour des étudiants de Nice d’aller visiter Arts2.
Entre-temps nous avons continué à échanger et à progresser sur le projet de loin, grâce à Internet, ce qui est très pratique pour les disciplines artistiques numériques. Le cadre des émergences numérique nous donne également la possibilité d’échanger nos points de vus émergents.
Pouvez-vous présenter vous choix « coups de coeur » pour ces Transnumériques#5 (avec le lien aux cultures numériques) ? Et la sélection des lauréats Videoformes 2015 qui sera aussi présentée dans l’expo « Emergences numériques » au Manège de Sury à Mons ? Y-a-t il une ou des tendances qui percent dans ces œuvres ?
J’ai choisi des œuvres très récentes puisque toutes présentées à Videoformes 2015. Donc il y a là le choix d’un jury professionnel (dont Transcultures faisait partie cette année) plus une sélection ”maison” qui donne vraiment à voir les esthétiques et les thématiques de notre temps, la manière dont les artistes vivent ce temps et notre monde et nous le donnent à voir avec les outils numériques, comment ils nous le communiquent en s’appuyant sur des écritures innovantes. Les deux sélections donnent une vision large ou kaléidoscopique de la création actuelle. Je ne peux en détacher un de l’autre et parler de tendances sur une production limitée à deux années nous amènerait à commettre des erreurs. Finalement, c’est le temps et le recul qui décident. Je note cependant la réactivité des artistes sur les sujets comme les guerres, les catastrophes liées au comportement humain, les questionnements plus spirituels qui en émergent.
Videoformes comme Transcultures sont des fidèles compagnons de Vidéocollectifs, l’initiative « vidéo échangiste » de Natan Karczmar. Qu’est-ce qui t’attire dans ce projet et comment a-t-il évolué ces derniers temps ? S’échanger des vidéos entre des villes à l’heure des smartphones a-t-il encore un sens ?
Je pense que oui, surtout en gardant en mémoire les premières vidéos ; on perçoit des changements qui vont à une vitesse inimaginable naguère. Le format imposé est un exercice de style mais qui justement crée un lien très fort entre toutes ces productions et est très révélateur de l’état de notre monde.
Comment vous êtes vous retrouvés à travailler tous les trois sur le même projet ? Quel a été l’apport de Corentin Clouet et Victor Huguenin à la performance Pour peindre un concert ?
Junkai Chen : Corentin m’a montré son travail visuel, qui m’a paru très riche et intéressant et donné envie de collaborer dans la création visuelle. Quant à Victor, nous travaillons ensemble depuis longtemps, sur ce projet, il produit un accompagnement sonore et gestuel.
Qu’est ce que cet échange a apporté en plus à votre projet ? Qu’avez-vous pu développer grâce à cette initiative, que vous n’auriez pas pu mettre en place sans cet échange ?
Junkai Chen : Nous avons chacun une partie bien définie : j’ai conçu le projet, et suis au centre la performance, comme un chef d’orchestre ; puis je déclame le poème, comme un acteur. Je dirige les changements de séquences. Corentin produit les visuels et joue avec ceux-ci en temps réel, et Victor improvise une synthèse musicale pour donner une unité à l’ensemble.
Qu’attendez-vous de l’évènement Transdémo et plus précisément de la présentation de votre performance ?
Junkai Chen : Le but de cette performance est de faire voyager le spectateur dans des contrées sensorielles nouvelles, en utilisant des moyens techniques novateurs. Une sorte de magie voit le jour lorsqu’avec de simples gestes, la salle s’illumine, prend vie et se remplit de sons ; autour d’un poème qui parle du bonheur simple. Le poème est en chinois, et très contemplatif, absorbe l’auditeur dans cet univers au départ serein, et qui parfois s’anime subitement.
Avec votre performance, vous me donnez l’impression de vouloir réinventer la musique, en lui injectant une certaine plastique. Pensez-vous que nous allons arriver à un nouveau genre artistique qui pourrait être défini comme étant « musico-plastique » ?
Junkai Chen : Ce terme peut être vu dans le livre Son & lumière, une histoire du son dans l’art du 20ème siècle. Cela a permis le cheminement de mes idées dans l’agencement entre sonore et visuel en temps réel. Les points de rencontre permis par la technologie actuelle entre la musique, les images, les lumières, et les gestes, et plus généralement beaucoup d’éléments du spectacle vivant, m’intéressent énormément. Ce champ artistique est en train de s’étendre, et nous sommes enchantés de pouvoir prendre part à cette exploration.
Rapprocheriez-vous le travail du geste du peintre de la gestuelle du chef d’orchestre ?
Junkai Chen : Oui, le chef d’orchestre est une direction d’interprètes. Il donne différentes trajectoires pour dessiner le son par l’émotion. Le peintre est souvent pour nous un travail qui donne un rendu visuel final. Je voudrais mettre le peintre en action, le chef d’orchestre en dessinant. Un geste qui peut créer en même temps le visuel et le sonore.
Comment utilisez-vous la voix, le texte avec les capteurs pour construire un environnement sonore dynamique ?
Junkai Chen : La voix est captée par un micro, puis retravaillée à l’ordinateur et mélangée à l’ensemble. Tous les trois, nous effectuons des mouvements qui s’inter-mélangent et influent sur la part de chacun. On essaye ainsi d’obtenir un environnement dynamique et organique.
Vous êtes entré cette année au Fresnoy, studio national des arts contemporains, qu’est ce que cela représente pour vous ?
Junkai Chen : Le Fresnoy est pour moi, un lieu d’échange culturel surtout. Il élargit la possibilité de mon travail. C’est aussi un cadre privilégié qui me permet de travailler dans les meilleures conditions possibles.
Propos recueillis par Éloïse Bouteiller
Transcultures – 10.2015